dimanche 29 avril 2007

Molière au téléphone

Au commencement, il y eut moi: un être lunatique, larvaire et totalement dépourvu de l'esprit d'aventure qui caractérise les grands explorateurs ou les inventeurs. Puis il y eut les téléphones cellulaires. Entre nous deux, un abîme d'incompréhension qui ne devait jamais être comblé.
Prenez hier. Il (mon cellulaire) m'a infligé la pire humiliation à date. Ça faisait des mois que je ne pouvais plus faire d'appels, et que je ne pouvais qu'en recevoir. Pourquoi? Lui seul le sait. J'avais tout essayé, allumer, éteindre, je m'étais même rendue à une boutique Rogers où ils ont essayé les mêmes trucs que moi. En vain. Et là, hier, je me rends au sous-sol du Simons, là où j'ai fait déverrouiller le téléphone. Faites quelque chose, que je leur dis, c'est de votre faute. Alors ils sortent la carte sim, ils la remettent, ils essaient de faire un appel. Et ça marche.
Je vous jure que j'avais essayé le même truc, exactement le même, pendant des mois.
C'est juste que j'avais une mauvaise vibe, et les téléphones sentent ça. Il faut respecter le téléphone, son mystère et son infinie puissance.
Respect the knife, disait un poissonnier à mon premier amoureux quand il travaillait à étriper des poissons au sous-sol de l'épicerie Atlantique. You've got to respect the knife. Mon amoureux, qui avait toute l'arrogance de sa jeunesse, a ri. Puis il s'est blessé au pouce, bien comme il faut.
Il y a une leçon à tirer de tout ça. 1. ne jamais travailler comme videur de poissons au sous-sol de l'épicerie Atlantique 2. accepter la domination des objets sur nos vies.
***
Une leçon de jeu
Faites le cheval, dit Romain Duris à Fabrice Lucchini, qui le regarde de ses grands yeux bleus faussement éberlués. Vous n'êtes pas sérieux. Si. Alors Lucchini se met à hennir et piaffer, dans une imitation qui tient autant du chat hystérique que du cheval schizophrène. Ça ne va pas, la gueule du prof de théâtre (Duris) est éloquente là-dessus. Quel cheval faites-vous monsieur? Ou bien prétendez-vous faire tous les chevaux en un seul? Là-dessus, c'est Duris qui commence à trotter, à jeter sa crinière noire d'un côté et de l'autre, à mettre fièrement une patte devant l'autre (il fait un cheval arrogant), à traîner lourdement son corps massif (il fait un cheval solide et travaillant), à sautiller coquettement (il fait un cheval parisien).
Fascinante leçon de jeu donnée par un acteur à un autre, qui de surcroît le dépasse (l'âge, l'âge...).
Vraiment, Molière est un petit film délicieux sur le jeu, le cinéma, la comédie, la reconnaissance. Si ce n'était de sa fin cucul, de Ludivine Sagnier, des faux ongles de Mme Jourdain et de cette horrible perruque + moustache dont on a affublé Romain Duris, je vous dirais de courrir le voir. Que dis-je, une fin cucul? C'est tout le dernier quart du film qui est cucul. Mais les trois premiers en valent la peine.

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