mardi 19 juin 2007

Zizou x 17 x 90

Je n'avais encore jamais vu de documentaire sportif qui était aussi clairement, aussi franchement, une oeuvre d'art. Et encore, je ne vois pas pourquoi on utilise le terme documentaire pour décrire Zidane, un portrait du XXIe siècle. Essai visuel serait plus juste. Performance, peut-être. Portrait en temps réel, encore mieux.

Pendant 90 minutes (la durée d'un match de foot, le 23 avril 2005, entre le Real Madrid et le Villareal), 17 caméras ont capté le visage de Zidane, les pieds de Zidane, les cuisses de Zidane, les mains de Zidane. Sous tous les angles. Et je comprends tout à fait pourquoi ça n'a pas plu aux amateurs de foot. Ils étaient venus pour voir un match de foot, ils ont eu droit à une transe hypnotique qui s'est déployée sous les rythmes rock de Mogwai. Ils voulaient être éblouis par le sens du jeu de Zidane, ils voulaient s'en prendre plein la face de son talent de footballeur, et ils ont eu son visage scruté à la loupe, son corps morcelé, son expression impénétrable.

Et, bien sûr, il y a cet espace-temps complètement éclaté, où l'on est désorienté, sans repères. Que se passe-t-il ailleurs, pendant que Zidane effleure le gazon avec ses crampons? Pendant qu'il attend le ballon? On ne le sait pas, ce n'est d'ailleurs pas l'important. De temps en temps dans cette expérience morcelée, il y a des buts. On les voit par les images d'archives de la télé espagnole, et c'est dans ces moments que nous prenons conscience de l'infranchissable abîme entre le footballeur et les spectateurs. Le reste du temps, on est avec lui, Zidane, sur le carré vert où la rumeur de la foule devient assourdissante. Où il oppose un visage statuesque, absolument sans expression, qui crache et qui sue et qui se tord quelquefois en un rictus, à ces millions de regards braqués sur lui.

Une fois, une seule fois, Zidane sourit. C'est à une blague que son coéquipier Roberto Carlos vient de faire. Le sourire reste, tarde à disparaître. Une autre fois, son calme olympien cède pendant qu'il s'empoigne avec un joueur de l'équipe adverse. On aperçoit Beckham qui tente de le retenir, un peu ridicule avec son physique de chanteur de boy's band face à cet impénétrable Algérien viellissant, noble, un peu cruel. Le carton rouge que Zidane récolte est prémonitoire. Et inattendu.

Allez voir Zidane comme vous iriez au musée d'art contemporain. Il n'y aura après tout ni mise en contexte, ni interviews, ni quoi que ce soit d'autre dans ce film expérimental qu'une apnée en terrain vert. Et ce sera magnifique.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Hey DJ Ogo tu deviens une véritable experte du documentaire sportif...On t'attend à la Cinémathèque
J

DJ Ogo a dit…

Mais non, je n'y connais rien en docu sportif, mais j'en sais un bout sur les cuisses de Zidane... hehe.

Lady N a dit…

...combien de fois les caméras ont captés les cuisses de zidane, t'as dit?