mercredi 24 janvier 2007

Chronique d'un défilé désastre

Chers amis,

cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri en voulant plutôt pleurer.

D’un, parce que je ne retrouverai jamais ces heures gaspillées de ma vie pendant lesquelles j'aurais pu pour la première fois lire La Princesse de Clèves ou La Bête humaine, pratiquer mon espagnol ou passer l'aspirateur. De deux, parce que dans notre pauvre sous-préfecture de mode qui organise chaque année des Semaines de défilés absurdes et sans crédibilité critique, ce genre d’événement mérite la présence de 4 caméras et plusieurs médias écrits.

Bref, me voilà dans un bar du quartier international, brillamment appelé Le Quartier. (Remarquez, s’ils l’avaient appelé Le Bar du Quartier, ça n’aurait pas vraiment arrangé les choses.) L’endroit grouille de monde. Une foule jeune et belle et en santé. Je commence à me douter que quelque chose ne va pas. (Trop jeunes, trop en santé.)

19h40. Je m’installe sur un siège réservé aux médias pour ce qui s’annonce comme un défilé de mode sur fond de rideaux rouges avec un trou dedans (un client saoul qui aurait mal géré la portée de sa cigarette du temps d’avant la Prohibition? Mystère.) Il y a un garçon assis dans la rangée d’en avant, et je sais désormais qu’il est pas mal grâce à mes nouvelles lunettes. (Une victoire sur les lois de la nature! Vive le monde pas flou! Je commence une nouvelle vie, désormais. Une vie où je repèrerai les gars cute au moins 5 mètres à l’avance. Une vie où ils me souriront et je leur sourirai en retour.)

Grâce à ma nouvelle vue améliorée, j’ai pu voir en détails les deux premiers mannequins qui arrivaient en même temps et s’arrêtaient ensemble, d’un air bovin, pour tourner leurs têtes au regard vide harmonieusement dans la même direction. « My God! C’est quelle agence, ça? » ai-je chuchoté à ma voisine, qui m’a ignorée. Le deuxième est sorti, boutons mal cachés par une épaisse couche de fond de teint, torse trop long et trop musclé. Le troisième, visage fat, casquette (comme tous les autres), dans une pénible imitation de la démarche naturelle. Au menu : des hoodies, des hoodies bleu marine, des hoodies blancs, des hoodies avec des patches. Des trucs de skaters et de snowboarders. Re-bienvenue au Défilé de Mode de fin d’année de la 4e secondaire.

Il y a eu des moments cocasses, certes : le fait de lire les jurons sur les lèvres du cameraman de TQS entre dans cette catégorie. Voir l’animatrice de Musique Plus interviewer le gars de la marque, et faire semblant qu’elle était intéressée, aussi. C’est vraiment cool ce que vous faites! Et puis en plus, c’est écolo?

Et puis, le gars d’en avant a souri. Pas à moi, mais au monde. Il avait des broches. Sans doute mineur. Le genre qui trippe à regarder des vidéoclips de cascades de snow pendant des heures. Nous ne ferons jamais 1.2 enfants ensemble.

Bien à vous,

DJ Ogo



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