dimanche 18 mars 2007

Les histoires venues de Bagdad

C'est dimanche, jour des journaux qu'on sirote lentement et des cafés qu'on lit goûlument. Il y a du monde chez Navarino's, mais je ne les entends plus tellement. Je lis le récit d'une femme irakienne journaliste à Bagdad, dont les extraits sont publiés dans La Presse. Elle raconte comment elle cherche le corps de son neveu à la morgue. Comment elle trouve d'abord un morceau, celui du bas du corps à partir de la taille, identifié grâce à son téléphone cellulaire. Comment elle et les autres femmes de sa famille cherchent la partie supérieure, dans un indescriptible charnier de restes humains.

Dieu merci qu'il y a encore des gens là-bas pour écrire et témoigner. Dieu merci qu'il y a encore des femmes irakiennes pour tenir un
journal en ligne, même bourré de fautes en anglais.

Quand j'ai rencontré Zlata, la petite fille de Sarajevo qui a tenu son journal dans la guerre aussi fermement qu'elle l'aurait fait d'un drapeau blanc (et du haut de sa sagesse de 12 ans!), c'est de ça qu'on a parlé: de l'importance de l'écriture pour faire naître la compassion. Du choc que l'on a en lisant les récits de guerre, du sursaut douloureux quand on se dit: "Ces gens sont exactement comme nous." Zlata me parlait de la fatigue de compassion: "quand on voit au bulletin de nouvelles qu'il y a eu 30 morts aujourd'hui en Irak, me disait-elle en substance, on ne sent rien. On s'est habitués, et ces gens sont sans visage. Mais si on lisait le récit de l'un d'entre eux, si on connaissait son histoire, sa mort aurait une autre réalité pour nous."

Après avoir lu des extraits du récit de cette femme irakienne, j'ai regardé la rue St-Viateur, Parc, Laurier avec un regard d'étrangère. Parce que c'était un monde en paix et que je revenais d'Irak.

Merci à ces gens qui gardent la volonté de raconter par-delà de l'horreur. On a besoin de vous.

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