mardi 27 février 2007

Lettres à un jeune poète


La première fois que j’ai lu Zinc, la revue littéraire de la relève, il faisait chaud, je vivais une peine d’amour et je me reconnaissais follement dans une nouvelle de Marie-Hélène Poitras, dont la narratrice vivait une peine d’amour dans une ville très chaude. Inutile de le dire, j’ai aimé Zinc.
Aujourd’hui, il fait froid, je ne pleure plus et pourtant, Zinc en est à son 10e numéro. En tenant compte du fait qu’il s’agit d’une revue trimestrielle, on peut avancer sans trop se tromper qu’elle en est à deux années et demie d’existence.
C’est peut-être important.
Mais au-delà du pouvoir des chiffres ronds, il y a d’autres raisons pour lesquelles vous devriez m’imiter et vous jeter sur cette édition de Zinc vous aussi.

1. C’est 6,95$.
Si vous n’avez vraiment pas 6,95$ à jeter par les fenêtres, économisez quelques semaines sur les 1$ que vous donnez au sans-abri devant la SAQ.

2. Ça encourage la jeunesse. La relève. Les gens pauvres et fougueux comme vous et moi.

3. C’est un bon titre, ça, Lettres à un jeune poète.
Je ne suis pas poète et je ne comprends rien à la poésie, mais donnez-moi n’importe quelle vague référence à Rainer Maria Rilke et j’achète.

Et puis, what you see is what you get : il s’agit effectivement de lettres à des jeunes poètes. Certaines sont plus réussies que d’autres.

Louis Hamelin qui glose sur l’art nécessaire au jeune écrivain de savoir dire non, comme dans NON à l’Association de Loisir littéraire de Granby, c’est jouissif.
François Barcelo, aussi, qui vante les mérites d’une langue simple; écrire comme nous parlons, mais parler bien. « Méfiez-vous de l’étalage de votre érudition et plus encore des digressions révélant vos pensées les plus profondes : neuf fois sur dix, d’autres ont mieux dit les mêmes choses il y a un siècle ou deux. » Si vrai, si vrai… (et ici, je prends quelques secondes pour rougir de honte en me rappelant certains travaux d’université que j’estimais si brillants et novateurs.)

Mais il y en a d’autres, là-dedans, qui se laissent aller à une espèce de célébration mystique des difficultés d’être écrivain, on se croirait en pleine transe lyrique où la langue se convulsionne sous l’assaut des métaphores : « Tu crois t’en aller vers la lumière en choisissant l’écriture comme mode de vie et de survie, mais c’est dans le maquis que tu t’enfonces, écrit Monique Proulx. Bienvenue. C’est avec jubilation que nous t’accueillons dans notre clandestinité broussailleuse, parmi nos tireurs d’élite. (…) Tu viens d’entrer dans la Résistance. »
Ouf.
La dernière fois que j’ai lu quelque chose d’aussi mélodramatique, c’était Je m’appelle Bosnia de Madeleine Gagnon, je crois. Un livre où l’héroïne, violée à 14 ans à quatre pattes par son oncle, est épargnée par son père qui aurait dû venger l’honneur de la famille; où elle rejoint son père dans le maquis bosniaque pendant la guerre, où ils se nourrissent de racines et s’enterrent pour dormir; où elle enterre son père tué à mains nues; où elle finit par tomber amoureuse d’un ancien camarade d’université qui a vu sa famille décapitée et torturée et empalée sur des pieux devant leur maison. Et là, je ne vous résume que les 20 premières pages.

Où en étais-je? Ah oui, lisez Zinc.

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